jeudi 10 juillet 2008

DEFINITION DU VOYAGE

Mounammad Nacirud dîn Albânî -Rahimahul lah

QUESTION 1 :

Quelle est la définition langagière et religieuse du voyage ?

REPONSE 1 :

« Dans la langue, le terme voyage désigne le fait de quitter les habitations de la ville dans laquelle on réside. Entendu ? Quitter les habitations de la ville dans laquelle on réside.

Du point de vue religieux, cela désigne toute sortie [de la ville] accompagnée de l’intention de voyager, ce qui implique une préparation qui n’est pas celle du résident. Nul doute que le voyageur se prépare d’une manière particulière pour son voyage.

La première chose est l’intention. Pour ce qui est de votre cas à vous, je ne pense pas qu’un seul d’entre vous ait eu l’intention de voyager dans ce trajet que vous avez effectué, et qu’un seul d’entre vous n’ait fait ses adieux à ses enfants ou son épouse, comme le fait le voyageur. Et aucun d’entre vous ne s’est préparé comme un voyageur, et rien d’autre parmi les choses qu’implique le véritable voyage.

Voilà ce que l’on peut dire concernant le voyage d’un point de vue religieux, sachant qu’il y a de grands débats sur cette question depuis le passé jusqu’à nos jours en raison de la grande subtilité de cette question et l’absence d’une définition claire coupant court aux débats dans le Coran et la Sunna. Mais c’est là l’avis qui nous semble le plus juste dans la définition du voyage d’un point de vue religieux. »

On voit donc l’importance de l’intention, et le simple fait de parcourir une distance quelle qu’elle soit ne suffit pas à qualifier un trajet de voyage du point de vue religieux. Cela apparaît plus clairement dans l’extrait suivant où shaykh Al-Albânî a apparemment parcouru une longue distance mais à la surprise des frères présents, le shaykh a accompli la prière normalement sans raccourcir sa prière à deux raka’at comme il aurait pu le faire s’il était en voyage.

QUESTION 2 :

Pourquoi as-tu accompli une prière de quatre raka’at ?

REPONSE 2 :

Je n’ai pas eu l’intention de voyager.

QUESTION 3 :

Nous voudrions plus de détails.

REPONSE 3 :

Et pourquoi as-tu prié deux raka’at ?

QUESTION 4 :

J’ai accompli deux raka’at en me basant sur ce que j’ai entendu de vous.

REPONSE 4 : Et qui est ?

QUESTION 5 :

Que nous étions voyageurs.

REPONSE 5:

Où as-tu entendu cela de moi ?

QUESTION 6 :

J’ai interrogé à ce sujet Abû Sâlih.

REPONSE 6 :

Et tu as entendu cela de moi maintenant ? Ce que j’ai dit est que celui qui se déplace d’un endroit à un autre en cherchant les pâturages ou l’herbe est voyageur. Ce qui n’est pas notre cas, car nous avons quitté notre ville pour y revenir en soirée.

Donc pour moi la question n’est pas de parcourir une distance donnée, mais plutôt de considérer deux choses :

-la première qui en est le fondement est l’intention, et

-la deuxième est de sortir de la ville.

Si on a l’intention de voyager et que l’on sort de la ville, les règles du voyage s’appliquent, sans prendre en considération la distance parcourue par la suite, qu’elle soit longue ou courte. Si l’intention n’est pas présente, on peut parcourir une longue distance, on n’est pas pour autant considéré comme étant voyageur, car le voyage fait partie des choses liées à ce hadith à propos duquel certains savants ont dit qu’il représentait le tiers de la religion : « Les actes ne valent que par leurs intentions, et chaque individu n’est récompensé qu’en fonction de son intention. »

En vérité, cela fait partie des questions très subtiles sur lesquelles ont divergé les savants sans pouvoir se mettre d’accord sur une position totalement claire, si bien qu’aucun ne peut dire ceci est la vérité et rien d’autre. Personne ne peut dire cela. La seule chose que l’on puisse dire est : mon avis est celui-ci. Pour ma part, j’ai pour avis ce que j’ai compris de l’épître de Shaykh Al-Islâm ibn Taymiyyah sur ce sujet.

Il a en effet consacré une épître aux règles du voyage. Il y a donné un exemple remarquable permettant au chercheur et à l’étudiant en science de comprendre que le voyage n’est pas lié au parcours d’une longue ou courte distance.

Pour ce qui est des courtes distances, je pense que cela ne donne lieu à aucun débat, car il est authentifié que le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) sortait parfois de la ville de Médine pour se rendre au cimetière de Al-Baqi’ (à cette époque le cimetière n’était pas encore dans la ville) pour saluer les morts puis revenir, de même qu’il rendait parfois visite aux martyrs au mont Uhud pour les saluer puis revenir, sans pour autant se considérer voyageur, bien qu’il soit sorti de la ville.

A l’opposé, parcourir une longue distance n’implique pas nécessairement d’être voyageur. L’exemple donné par Shaykh Al-Islâm ibn Taymiyyah est le suivant : il évoqua les environs de Damas et une ville connue jusqu’à nos jours sous le nom de Dûmah. Il parla d’un homme quittant Damas pour chasser à Dûmah, parcourant ainsi 15km. Nul doute que pour nous, si la condition de base qu’est l’intention est présente, alors c’est un voyage. Mais il dit que cet homme n’est pas voyageur car il a quitté la ville pour chasser et revenir. Mais il ne trouva pas le gibier escompté si bien qu’il poursuivit son chemin jusqu’à parvenir à la ville de Halab située à une distance d’environ 400km de Damas de nos jours par la route. Il dit donc que cet homme n’est pas voyageur bien qu’il ait parcouru plusieurs fois la distance lui permettant d’être considéré comme voyageur.

Ceci car la première condition qui est l’intention de voyager n’était pas présente chez cet homme. Ainsi, nous pouvons dire que le chauffeur de taxi quittant ‘Ammân le matin pour se rendre à Al-‘Aqabah et revenir le soir n’est pas voyageur, car son intention n’est pas de voyager mais d’accomplir son travail. Nous devons donc souligner cette condition de base qu’est l’intention pour montrer que la règle peut être différente pour deux hommes parcourant la même distance : le premier étant considéré comme voyageur et pas le second, et ce en raison de leurs différentes intentions.

De même que découlent de ce point les règles de la résidence (l’établissement) temporaire en un lieu. Deux hommes quittent la ville en tant que voyageurs et s’installent [pour un temps] dans une autre ville. Le premier s’installe en tant que voyageur alors que le deuxième est considéré comme résident. Pourquoi ? Car il a une deuxième épouse dans cette ville, donc il a quitté une épouse pour se rendre chez une autre. Donc le fait qu’il trouve une épouse qui l’accueille et facilite son installation conduit à ce que sa situation diffère de celle de son compagnon. Nous pouvons donc en tirer un profit très important qui est que les règles du voyageur, malgré leur subtilité, diffèrent d’un individu à l’autre, et ainsi nous ne pouvons imposer à un individu une règle s’appliquant à un autre, et inversement.

Chaque serviteur doit donc prendre l’avis qu’il pense être le plus conforme à la vérité… Nul doute que l’usage est essentiel pour celui qui a l’intention de voyager (afin de déterminer ce qui est considéré comme un voyage ou non), quant à celui qui n’a pas l’intention de voyager, cela ne limite en rien… »

Fin de la fatwa du shaykh:

On peut donc voir dans les propos de shaykh Albânî (et c’est également l’avis de la majorité des savants) que le voyage commence lorsqu’on quitte les limites de la ville dans laquelle on réside et qu’il se termine lorsqu’on revient à ces mêmes limites, comme le dit Anas :

« J’ai accompli le Dhuhr avec le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) en quatre raka’at à Médine, et en deux raka’at à Dhul-Hulayfah (à la sortie de la ville). »

Ainsi, comme l’explique shaykh Al-‘Uthaymin dans Sharh Al-Mumti’ : si on sort de sa ville et qu’on se rend à l’aéroport, on peut déjà y regrouper les prières, comme cela est permis pendant le voyage.

Il n’y a pas non plus de distance minimale à accomplir en dessous de laquelle on ne peut appliquer les règles du voyage ainsi que le démontre entre autres shaykh Siddîq Hasan Khân dans At-Ta’liqât Ar-Radiyyah et shaykh Al-‘Uthaymin dans Sharh Al-Mumti’ qui dit que les hadiths utilisés pour fixer une distance sont divers et ne visent pas à délimiter ce qu’est un voyage.

Parmi ces distances, une unité de mesure particulièrement répandue, le Barîd qui représente la distance parcourue à vitesse moyenne par une monture en une demi journée. L’avis répandu est qu’on ne peut appliquer les règles du voyage en deçà de quatre Burud (pluriel de Barîd), ce qui représente 77km, alors qu’il est rapporté dans le Sahîh Muslim par Anas : « Lorsque le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) parcourait trois miles ou Farâsikh (unité de mesure de distance), il accomplissait deux raka’at. »

On voit ici que la distance évoquée par Anas n’est plus que d’environ 15km, donc très loin des 77km.

Shaykh Al-‘Uthaymin conclut ce point en rappelant que les Textes restent généraux et ne précisent aucune distance, c’est pourquoi il est nécessaire de se référer à l’usage (connu chez les gens et dans la langue) pour définir ce qui est un voyage ou non. Notons tout de même que bon nombre de savants ne sont pas de l’avis de shaykh Al-Albânî concernant le chauffeur de taxi parcourant tous les jours de longues distances, et ils disent qu’il ne cesse d’être en voyage dès qu’il quitte sa ville et que c’est là sa fonction : voyager pour transporter les gens.Une fois qu’on a eu l’intention de voyager et que l’on quitte les limites de sa ville, les règles du voyage s’appliquent.

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