mardi 11 novembre 2008

PIEDS DE LA FEMME 'AWRAH OU PAS ?

Bismillahi Arrahmanir Rahim

La question de savoir si la femme musulmane doit se couvrir les pieds fait l'objet d'opinions divergentes parmi les savants musulmans
:

A) Pour ash-Shâfi'î, Ahmad (selon un des avis qui sont rapportés de lui), et d'autres savants,

les pieds de la femme font partie de ce qu'elle doit recouvrir lorsqu'elle fait la prière (salât) – même s'il n'y a alors personne –, ainsi que lorsqu'elle se trouve en présence d'hommes autres que son mari et ses proches parents (mahârim).

B) Pour Abû Hanîfa, ath-Thawrî, al-Muzanî,

les pieds ne font pas partie de ce que la femme est tenue de recouvrir, ni lorsqu'elle fait la prière, ni lorsqu'elle se trouve en présence d'hommes autres que son mari et ses proches parents.

C) Pour Ibn Taymiyya,

la femme peut laisser ses pieds découverts lorsqu'elle fait la prière. En revanche, elle doit recouvrir ses pieds (tout comme son visage et ses mains) lorsqu'elle se trouve en présence d'hommes autres que son mari et ses proches parents.

En fait, cette question de savoir si la femme musulmane doit se couvrir les pieds repose sur la question de savoir si, dans le verset coranique
"Qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît" (24/31),

les termes "ce qui en paraît" incluent-ils les pieds en plus du visage et des mains, ou pas?.
Or, il y a certes le Hadîth rapporté par Abû Dâoûd, où le Prophète aurait dit à Asmâ' bint Abî Bakr (raDiyallahou 'anhâ) qu'une femme pubère ne devrait [devant des hommes qui ne sont ni son mari ni ses proches parents] laisser apparaître que son visage et ses mains.

Cependant, la chaîne de transmission en est mursal( hadith rapporté par quelqu'un n'ayant pas vécu avec le prophète).

Ceci fait que les savants ont développé des argumentations différentes à ce sujet...

A) Ash-Shafi'î et Ahmad se sont fondés sur
:

**les avis des Compagnons qui ont commenté le verset coranique "Qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît" (sourate la lumière verset 31) en disant que l'exception concerne le visage et les mains.

** Hadîth où le Prophète, ayant interdit de laisser traîner ses vêtements sur le sol, Umm Salama lui demanda comment les femmes devront faire, et il lui répond : "Elles laisseront leur vêtement être un empan [plus long que celui des hommes]. – Mais leurs pieds seront alors découverts ! dit Umm Salama. – Elles laisseront leur vêtement être une coudée [plus long], pas plus" répond le Prophète (rapporté par at-Tirmidhî, n° 1415).

Tout ceci, affirment-ils, corroborent le Hadîth rapporté par Abû Dâoûd à propos de Asmâ', même si celui-ci possède une chaîne de transmission faible (mursal).

B) Abû Hanîfa, Ath-Thawrî, Al-Muzanî se sont pour leur part basés sur le propos de Aïcha disant que l'exception présente dans le verset 31 concernait aussi bien le visage et les mains que les pieds (propos cité dans Majmû'u fatâwâ Ibn Taymiyya, tome 22 pp. 114-115).

Quant au dialogue de Umm Salama avec le Prophète, voici comment l'explique Abû Chuqqa, qui partage ici l'avis de Abû Hanîfa : si, en apparence, il est dans ce dialogue question du fait que la femme doit couvrir ses pieds, il y est, à bien regarder, question du fait qu'elle doit veiller à ce que le bas de ses mollets ne se découvre pas.

En effet, les femmes, à l'époque, marchaient parfois pieds-nus ou chaussées de sandales portées sans chaussettes. Et elles s'habillaient de longs vêtements (izâr).

Or, il ne fallait pas que, au moment de la marche ou d'une autre activité, ce long vêtement couvre leurs pieds, sinon elles s'y prendraient les pieds et tomberaient. Elles avaient donc recours à une sorte de ceinture (nitâq) pour rehausser légèrement ce vêtement. Cependant, il fallait bien que, au moment où elles étaient immobiles et debout, ce vêtement recouvre leurs pieds. Au cas contraire, si quand elles étaient immobiles ce vêtement laissait apparaître leurs pieds, il laisserait apparaître le bas de leurs mollets quand elles marcheraient (puisqu'elles devaient le rehausser pour marcher). En effet, comme nous l'avons vu, toutes les femmes ne portaient pas de chaussettes. C'est pourquoi Umm Salama a dit qu'elles devaient se couvrir les pieds.

Abû Chuqqa rappelle également qu'un dialogue voisin de celui de Umm Salama est rapporté, où quand le Prophète dit : "Les femmes laisseront leur vêtement être un empan [plus long que celui des hommes]", Aïcha lui fait ceci comme remarque : "Mais leurs mollets seront alors découverts !". Et il répond : "Eh bien, une coudée [plus long]" (rapporté par Ibn Mâja, n° 2884). Il est ici question des mollets et non des pieds.

Ash-Shawkânî (commentateur de boulough al maram) et Abû Hayyân al-andalûsî, qui sont du même avis, en expliquent la justesse au niveau rationnel par le fait que l'exception présente dans le verset 24/31 concerne ce que la femme est amenée à laisser découvert à l'extérieur de chez elle : son visage parce qu'elle peut être amenée à témoigner... ses mains parce qu'elle a besoin de prendre des choses… enfin ses pieds parce qu'elle est amenée à marcher et que ses pieds demeurent alors découverts.

C) Quant à Ibn Taymiyya, il est d'avis que c'est l'opinion de Abû Hanîfa qui est la plus valable au niveau des arguments ("huwa-l-aqwâ")… mais que cette opinion ne sera appliquée qu'en ce qui concerne l'accomplissement de la prière (salât), la femme n'ayant alors pas l'obligation de se couvrir le visage, les mains et les pieds.

Par contre, pour le moment où elle se trouve en présence d'hommes qui ne sont ni son mari ni ses proches parents (mahârim), Ibn Taymiyya est d'avis qu'elle doit alors se couvrir visage, mains et pieds.

En fait, ce savant pense qu'il y a, en ce qui concerne la femme, deux "'awra" : une "'awra" pour la prière, une autre lors de la présence d'hommes.
Cependant, cet avis faisant apparaître deux "'awra" n'est pas celui d'autres savants tels que as-Sarakhsî, al-Marghînânî, al-Jassâs, at-Tabarî, al-Baghawî, Ibn ul-'Arabî, Ibn Rushd… Tous ces savants disent que ce que la femme doit revêtir ("'awra") pendant l'accomplissement de la prière (salât) – même s'il n'y a alors personne – est la même chose que ce qu'elle doit revêtir lorsqu'elle se trouve en présence d'hommes qui ne sont ni son mari ni ses proches parents (mahârim) (cf. Tahrîr ul-mar'a, tome 4).


Wallâhu A'lam

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